3 questions à Olivier Gacquerre, Maire de Béthune et Président de la fédération UDI du Pas-de-Calais

Olivier Gacquerre, Maire de Béthune,Président de la Communauté d’agglomération Béthune-Bruay, Artois Lys Romane, Président de la fédération UDI du Pas-de-Calais

Le 13 mars 2023, vous avez initié une conférence autour du sujet : « Quelle organisation pour une France plus proche de nos préoccupations ?».   Quels étaient les objectifs de cette conférence ? 

Les objectifs sont simples : alerter, sensibiliser et surtout agir ! Force est de constater que les différentes crises traversées ces dernières années (sanitaires, économiques, sociales, sociétales, énergétiques…) remettent en cause l’efficience d’une administration (re)centralisée et celle de politiques publiques parfois éloignées de la réalité singulière de nos territoires (mais qui s’appuient voire délèguent aux territoires !). Alors que les transitions s’accélèrent, notre modèle d’organisation du service public peine, lui, à s’adapter, à se financer voire à se renouveler. Notre constitution, elle-même, répond-t-elle encore aux enjeux du 21ème siècle ? Les élections législatives et l’instabilité politique qui s’en est suivie nous appellent plus à une refonte qu’à une énième révision… 

 

Quand vous parlez de refonte ? Vous parlez d’une refonte globale de notre système républicain ? 

Ma conviction est que, dans ce paysage politique en pleine recomposition, il est urgent de réfléchir sur la place des territoires et celle des élus locaux qui sont souvent à pied d’œuvre pour prendre des initiatives, concrètes et adaptées, face aux défis majeurs auxquels nous sommes confrontés. La crise sanitaire en est un exemple d’actualité. Nos concitoyens nous demandent aujourd’hui d’être plus agiles, plus réactifs et plus efficients dans l’action publique. Il nous faut donc être moins sous le poids et le contrôle d’un pouvoir trop normatif et de plus en plus sous tutelle de l’Etat. La libre administration des collectivités locales tel que le voulait l’esprit des lois de décentralisation ne doit pas être un vain mot.

Pour redonner du sens à notre action et confiance en la politique, n’est-ce pas le moment de réfléchir à une nouvelle organisation de notre système Républicain, plus proche de nos réalités locales et trouver des perspectives d’évolution et en proximité avec les territoires et les élus qui les animent ? Je suis, pour ma part, partisan d’une France fédérale qui rapproche l’action publique du citoyen. Ce modèle d’organisation s’administrerait autour de nos entités territoriales, en quelque sorte, des Etats fédérés, qui disposeraient d’une large autonomie tout en respectant le principe du partage des pouvoirs avec le niveau national, l’Etat fédéral. C’est pour réfléchir à ces sujets que j’ai pris l’initiative, en tant que Maire et au-delà de toute considération partisane, d’inviter Gregory Berkovicz, docteur en droit public, ancien professeur à l’IAE de Paris Sorbonne et auteur du livre « Pour une France fédérale » à venir partager sa vision du fédéralisme, débattre et semer l’idée d’une nouvelle organisation pour notre République.  

Dans son ouvrage, Grégory Berkovicz pose les bases d’une France Fédérale et de son fonctionnement avec l’émergence de provinces, de compétences et de champs d’actions bien indépendants entre l’Etat et les territoires. Autrement dit, nos institutions aujourd’hui produisent bien trop de textes de loi, de décrets, de normes qui se superposent et parfois même se contredisent. A titre d’exemple, depuis les lois de décentralisation dans les années 80 et la volonté de rationnaliser l’action publique ces dernières décennies ; « le choc de simplification » évoqué par les Présidents Sarkozy et Hollande ou encore, le Conseil National de la Refondation amené par le Président Macron, on constate depuis 20 ans une augmentation de 73% de textes législatifs, 53 % de normes en plus soit plus de 10500 lois supplémentaires et 127000 décrets. L’adage nous dira que « Nul n’est censé ignorer la loi»?

Il faut sortir de ce système bureaucratique pour repartir sur un système de confiance et de conscience collective bien plus proches des réalités que vivent les citoyens.  

Pour cela, loin d’une énième loi de décentralisation ou de simplification, nous devons nous engager dès maintenant dans une nouvelle République, celle des territoires

Pensez-vous cela réalisable ? 

Il faut surtout se poser la question pourquoi nous sommes élus et pourquoi nous l’avons été ? Simplement, se poser la question de notre engagement.


Aujourd’hui, dans les territoires, nous subissons parfois les décisions unilatérales venues d’en haut et loin de nos particularités locales. Qui mieux que les élus locaux pour prendre des décisions proches de la réalité, proches de nos préoccupations ?


Prenons l’exemple de nos voisins européens qui au lendemain de grands conflits mondiaux, ont pris le virage du fédéralisme avec une gestion propre des territoires et des compétences clairement identifiées et définies. Au Canada également, qui depuis la loi constitutionnelle de 1867, a défini clairement les compétences et pouvoir de légiférer « du parlement fédéral » et « du parlement des provinces ». Le parlement fédéral agissant sur un périmètre qui touche à l’ensemble des citoyens canadiens (l’armée, le droit criminel, la monnaie, l’assurance-emploi, la citoyenneté canadienne…) tandis que les provinces sont responsables des affaires sociales ou des questions locales (le transport, les affaires municipales, l’éducation, la santé, les questions économiques purement locales…). Aujourd’hui, c’est à nous d’écrire le projet qui amènera nos leaders politiques à prendre des décisions rapides et plus proche des réalités économiques et sociales de nos territoires. Là n’est pas de calquer un modèle mais bien de s’inscrire dans un projet commun adapté à nos spécificités nationales et locales.


Le 13 mars, c’est plus d’une centaine de personnes du Pas-de-Calais (élus, militants, citoyens…) qui est prête à se mettre en action, collectivement pour écrire avec nous un manifeste qui permettrait de faire bouger les lignes. Bien évidemment, les lignes ne se bougent pas en un claquement de doigts mais c’est en mouvement et ensemble que l’on peut faire avancer les choses. N’hésitez pas à vous rapprocher des équipes de la Fédération du Pas-de-Calais si vous souhaitez en échanger et moi-même je me tiens naturellement à votre disposition.