L’agriculture française à la croisée des chemins
Philippe Rouault, Adjoint au maire de Pacé (Ille-et-Vilaine)
Les agriculteurs expriment une grande déception et leur scepticisme quant à la mise en œuvre des mesures annoncées par le gouvernement visant à simplifier la vie quotidienne des agriculteurs.
La compétitivité de l’agriculture française est amoindrie par la complexité des règles administratives, la durée des procédures liée au régime des autorisations et des délais de recours et à la surtransposition des directives européennes.
Les chantiers sont nombreux :
L’élevage :
Depuis l’an dernier, la situation s’est aggravée, les déficits de production de viande se sont accrus : Le déficit annuel de production en viande bovine se creuse à plus de 800 millions €, il est de l’ordre de 500 millions € en production porcine, la situation est encore plus dégradée pour la volaille, un poulet consommé sur deux est importé, le déficit dépasse les 800 millions €.
La simplification des règles permettant de regrouper les ateliers d’élevage est attendue. Ces règles sont trop complexes et facteur d’insécurité juridique. Des mesures simples concernant l’harmonisation des seuils d’autorisation des élevages avec les seuils européens et la diminution des délais de recours contre les élevages autorisés sont attendues.
Les décrets concernant l’indication de l’origine des viandes dans les produits transformés commercialisés ou en restauration hors domicile tardent à être rédigés malgré les engagements pris devant le parlement il y a plus d’un an.
Les grandes cultures
27 millions de céréales sont exportées annuellement. Les stocks n’ont jamais été aussi élevés à cette période de l’année en raison de difficultés à exporter. Les coûts logistiques ont une incidence sur le prix de vente. L’amélioration des performances logistiques au niveau du transport routier, ferroviaire et des ports est à engager rapidement.
L’eau
Stocker l’eau qui tombe en excès pendant la période hivernale et pouvoir l’utiliser en période de sécheresse est nécessaire compte-tenu du changement climatique. L’accès à l’eau est vital si nous souhaitons sécuriser notre production alimentaire. Une simplification des démarches administratives pour la mise en place des ouvrages de stockage de l’eau est nécessaire.
L’Union européenne
Des positions claires de la France sont attendues auprès de l’Union européenne :
- Une simplification des déclarations PAC et des règles moins contraignantes,
- Une révision rapide de la stratégie Farm to Fork (De la ferme à la fourchette) afin de prendre en compte le contexte géopolitique mondial et accroitre la souveraineté alimentaire européenne. Une meilleure préservation de la biodiversité et une décarbonation de l’agriculture est possible sans diminuer les surfaces cultivables.
- Une révision des seuils d’application de la directive IED pour les élevages de porcs et de volailles.
- L’interdiction de certaines molécules ou pratiques d’exploitation au niveau européen n’a pas de sens si l’importation des produits ne respectant pas les nouvelles contraintes est autorisée, les clauses miroir annoncées sont attendues.
Les relations commerciales avec la grande distribution
Les relations commerciales entre la grande distribution, les industriels et les agriculteurs restent tendues. La distribution a comme leitmotiv des denrées à bas prix. Le respect de loi Egalim par les centrales internationales créées par les distributeurs français s’impose dans leurs relations commerciales avec les industriels afin de permettre une meilleure rémunération des produits agricoles. Des négociations préalables entre agriculteurs et industriels sur les prix des denrées agricoles devraient précéder les négociations entre industriels et distributeurs.
L’attention des pouvoirs publics sur ces sujets est attirée depuis plusieurs années or les agriculteurs estiment que rien n’a été fait pour améliorer la situation, au contraire !
Des décisions rapides s’imposent afin de redonner des perspectives à nos agriculteurs, garantir notre souveraineté alimentaire et préserver l’emploi.