TRIBUNE – Pour Olivier Richefou, président du Conseil départemental de la Mayenne, les départements doivent bien sûr maîtriser leurs dépenses… à condition que l’Etat en fasse autant.
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]Après des années de baisse des dotations aux collectivités, le gouvernement a opté pour une nouvelle méthode : la contractualisation. Ce dispositif, prévu par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 imposait aux 322 plus grandes collectivités, de signer, avant le 30 juin dernier, avec l’Etat, sous peine de pénalités, un pacte financier de trois ans les obligeant à respecter une limitation de leurs dépenses réelles de fonctionnement de 1,2 % par an.
Comment ne pas accueillir favorablement le principe de contribuer à l’effort collectif de redressement des comptes de la nation. La baisse de la dépense publique est une nécessité économique et démocratique. Ce n’est pas une option. Le Conseil départemental de la Mayenne que je préside, n’a d’ailleurs pas attendu l’Etat pour bien gérer les deniers publics et démontré qu’il était vertueux à bien des égards. Ayant pu favorablement négocier les termes du pacte financier dans l’intérêt des Mayennais, je l’ai signé.
Pourtant, vécu comme la remise en cause du principe constitutionnel d’une République décentralisée marquée par la libre administration des collectivités territoriales et la réintroduction par l’Etat d’une certaine forme de tutelle financière et politique sur les communes, les départements et les régions, de nombreux responsables d’exécutifs locaux continuent de mener la fronde et de refuser de cautionner une démarche qui s’apparente à une contrainte presque punitive.
Relation de confiance abîmée
Bien d’autres motifs peuvent légitimer une telle attitude parmi lesquels, celui de l’incapacité de l’Etat à s’appliquer à lui-même les efforts qu’il demande aux autres. La Cour des comptes dans son dernier rapport annuel sur les finances publiques pointe clairement le caractère toujours aussi flou de la stratégie du gouvernement pour réduire ses dépenses, lesquelles, rappelons-le ont augmenté de 1,7 % entre 2017 et 2018 et dont les exercices budgétaires sont déficitaires depuis 1974 !
S’y ajoute un pilotage de l’action publique locale rendu compliqué par un gouvernement qui multiplie sans concertation depuis plusieurs mois les signes de défiance à l’égard des collectivités à l’exemple de certaines décisions récentes relatives à la politique du logement, sans compter les réformes faussement généreuses mais réellement périlleuses telle que la suppression de la taxe d’habitation, mesure dont le financement d’environ 13 milliards euros demeure totalement virtuel.
C’est enfin et surtout, une relation de confiance très abîmée entre les collectivités et un gouvernement qui n’honore pas sa parole donnée s’agissant notamment des mesures de compensation financière du reste à charge des allocations individuelles de solidarités (RSA, APA et PCH). Ce renoncement se traduit par l’abandon d’une dotation de 250 millions d’euros au profit des départements les plus en difficulté et la création d’un dispositif de péréquation.
Face à cette situation, deux solutions : l’une, peut consister à continuer de porter l’estocade contre l’Etat et se complaire dans le désaccord avec lui ; l’autre s’attache à reconstruire progressivement par le dialogue et la co-construction un nouveau mode de relation entre l’Etat et les collectivités locales fondé sur des engagements réciproques dans la durée.
Pour ma part, je privilégie la politique de la main tendue, prenant acte, d’une part, du maintien des engagements du gouvernement relatifs à la prise en charge des mineurs non accompagnés, d’autre part, de sa volonté d’accompagner les départements dans le cadre d’un futur programme de lutte contre la pauvreté.
Un nouveau mécanisme de solidarité financière
Au-delà, n’attendons pas l’Etat pour prendre en main notre propre destin. La crédibilité des départements dépend en effet aussi de leur propre capacité à imaginer entre eux un nouveau mécanisme de solidarité financière.
Dans cet esprit, au-delà de toutes considérations partisanes, j’ai proposé à l’Assemblée des départements de France que soit mise à l’étude une péréquation horizontale et qu’elle soit dotée financièrement d’un prélèvement de 0,1 % sur les recettes des droits de mutation à titre onéreux (traditionnellement appelés « frais de notaires ») perçus par chaque département, qu’ils puissent bénéficier ou pas d’un rehaussement de leur taux plafond. Les départements les plus favorisés pourraient ainsi venir épauler les plus en difficulté et les plus exposés à la croissance des dépenses sociales, notamment celles relevant du RSA.
Sur cette base, j’invite le gouvernement, dans le cadre d’un accord de réciprocité et d’un partenariat tout aussi confiant qu’exigeant, à accompagner financièrement cette solidarité dès la prochaine loi de Finances. Plus que jamais, la raison et l’intelligence collective doivent être mobilisées au service de l’intérêt général. La rigueur des temps fait qu’Etat et collectivités doivent avancer d’un même pas et regarder l’avenir, unis dans un même destin fondé sur une conception partagée de la République.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]