Déconfinement, où est la territorialisation ?
Retrouvez l’explication de vote d’Hervé Marseille
(UDI) pour le groupe UC-Sénat sur le plan de
déconfinement présenté par Edouard Philippe ↩
Madame, Messieurs les Ministres, je voudrais avant tout engager mon propos en remerciant l’ensemble de celles et ceux qui font vivre notre pays au quotidien.
Que ce soit bien sûr les soignants et tous ceux qui concourent à l’action de soins et qui sont en première ligne, que ce soit tous ceux qui travaillent pour veiller aux approvisionnements, à nos déchets, à la vie quotidienne, ils méritent notre reconnaissance et je veux les saluer.
Et puis vous, monsieur le Premier Ministre, vous concourez aussi quotidiennement à l’action du pays, à le faire tourner.
Je voudrais dire que dans mon groupe et sur beaucoup de bancs ici, dans cette assemblée, nombreux sont celles et ceux qui considèrent que, comme on dit un peu trivialement : « vous faites le job ».
Vous faites le job avec beaucoup des Ministres qui vous entourent, que ce soit ceux qui s’occupent de L’Économie à Bercy, que ce soit à L’Éducation nationale, pour les territoires ou aux relations avec le Parlement.
Vous êtes aux avant-postes et vous faites le job.
Cette sympathie et cette compréhension n’emportent pas systématiquement adhésion à toute l’action qui est menée.
Et, c’est le rôle du Parlement justement, que d’être critique, de contrôler l’action du gouvernement et d’examiner les textes qui lui sont soumis.
Au demeurant, le Parlement travaille, et vous le savez, lui aussi dans des conditions extrêmement difficiles et contraint.
Pour autant vous entendez ceux et celles qui portent les préoccupations des élus qu’ils représentent ou tout simplement de nos concitoyens.
L’un des points majeurs de cette crise restera le problème des masques et des tests.
On peut tourner le problème dans tous les sens. Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, quoi qu’on pense, nombreux sont les Français, une très large majorité même, qui ne comprend pas pourquoi nous n’avions pas beaucoup de masques, pourquoi on en a peu, et pourquoi il est toujours difficile d’en trouver.
Et s’agissant des tests, on est reparti sur la même problématique.
Cette semaine, les annonces faites par les grandes chaînes de distribution n’ont rien arrangé à l’affaire.
Là encore, on peut l’expliquer et vous avez apporté des explications, mais l’opinion publique, au moment où on a encore des difficultés à trouver des masques dans certains endroits et pour certains soignants, ne comprend pas que la grande distribution, qui elle n’a pas été réquisitionnée, contrairement à certains élus, puisse faire des publicités pour indiquer qu’elle peut vendre prochainement de nombreux masques dans ses magasins.
Le second point de préoccupation pour de nombreux élus est le problème de l’école.
Le problème de l’école est un problème majeur pour beaucoup de collectivités.
La plupart de nos collectivités sont des petites collectivités : 98% de nos collectivités ont moins de 9.000 habitants, 52% ont moins de 500 habitants.
C’est dire la complexité de l’action qu’ils doivent mener.
Et donc, dans ces écoles, bien entendu, beaucoup vont essayer de faire en sorte de répondre à l’attente des familles parce qu’il faut bien réouvrir ces écoles.
Cependant, à partir du moment où on a annoncé qu’elles réouvriraient le 11 mai, et que l’on a indiqué que ce serait sur la base du volontariat, implicitement, on a reconnu un droit de retrait aux familles, et dans ce droit de retrait il y avait un risque reconnu.
Et dès lors, beaucoup de familles s’interrogent, surtout au moment où des possibles maladies sont indiquées sur toutes les chaînes de radio et télévision.
Bien sûr, on ne sait pas véritablement encore aujourd’hui s’il y a une corrélation entre ces problèmes de santé et le coronavirus.
Pour autant, l’inquiétude est grande sur les coûts engendrés pour les Collectivités.
Enfin, vous avez abordé le sujet et nous avions été nombreux à faire remonter cette préoccupation aussi : celle de la responsabilité.
Les chefs d’entreprises comme les élus, comme beaucoup de responsables associatifs, s’engagent.
Ils s’engagent pleinement, comme vous le faites vous-même.
Pour autant, ils sont inquiets.
Ils sont inquiets parce qu’ils savent que leur responsabilité est susceptible d’être mise en cause.
La garde des Sceaux a répondu en expliquant que le droit actuel permettait d’être tranquille.
Nous en doutons.
Et puis, au-delà du droit, il y a la confiance.
Le fait de réécrire quelque chose sur le sujet, le fait de l’affirmer, le fait d’accompagner tous ceux qui s’engagent est de nature à redonner de la confiance. Et c’est tout simplement ce que nous souhaitons à travers les amendements qui ne manqueront pas d’être adoptés dans un instant.
Alors vous avez abordé beaucoup de sujets, beaucoup de précisions, monsieur le Premier Ministre, et je vous en remercie.
Il y a des réponses à des demandes déjà anciennes ; pour autant, aujourd’hui, ce qui manque le plus, c’est peut-être davantage de territorialisation.
Vous avez employé cette expression, mais je n’ai pas entendu dans votre explication la déclinaison de cette territorialisation.
Aujourd’hui, beaucoup de Français voient des paradoxes.
Quand ils regardent la télévision, ils voient des Airbus bondés où les gens n’ont pas de masques. Et puis, de l’autre côté, des gens qui se promènent sur une plage et qui prennent des contraventions.
Cette communication est désastreuse pour beaucoup d’entre eux.
Davantage, et vous y avez en partie répondu, s’inquiètent et disent : « on fait confiance aux commerçants pour ouvrir, mais on ne fait pas confiance aux officiants des cultes pour ouvrir des petites églises, de petits temples, de petites mosquées ou de petites synagogues, ici ou là dans nos provinces ».
Vous avez répondu en partie à cette question, mais beaucoup de nos concitoyens s’interrogent durablement.
Alors je crois, et mon groupe le souhaiterait, qu’on aille davantage vers cette déclinaison territoriale, parce qu’en faisant confiance à ce qu’on appelle le couple maire-préfet, que vous avez déjà mis en évidence, on peut aller beaucoup plus loin.
On peut aller beaucoup plus loin parce que nos concitoyens sont nombreux à demander de la visibilité.
On est au mois de mai, on leur dit qu’il faut attendre le 7 mai pour avoir certaines précisions, qu’il faudra peut-être attendre le 2 juin pour avoir d’autres précisions. Et ensuite, on va aborder les vacances.
On ne sait pas très bien ce qu’on va pouvoir faire, où on va pouvoir aller.
On parle aujourd’hui des 100 km, est-ce qu’on pourra aller beaucoup plus loin?
Aujourd’hui, il y a besoin de visibilité et il y a besoin de davantage de déclinaison territoriale. Sinon, à quoi bon avoir des départements verts? À quoi bon avoir des départements rouges?
Beaucoup de nos territoires littoraux demandent à ce qu’on puisse avoir accès aux plages ou à nos forêts, davantage dans la France centrale et on ne comprend pas bien pourquoi des villages qui disposent d’un petit commerce, d’un bar-tabac ne peuvent pas rouvrir ce commerce rapidement.
Alors qu’effectivement, les commerces parisiens ou des grandes villes mériteraient évidemment d’attendre et d’être mieux organisés.
C’est la raison pour laquelle cette demande est très forte et nous avons besoin de visibilité.
Nous avons besoin de visibilité aussi sur différents sujets que vous avez abordés, notamment concernant la culture.
C’est un sujet important. C’est un domaine qui représente 3% de notre PIB et il est important aussi pour tous ceux qui se reconnaissent dans le théâtre, dans le cinéma, dans les musées, qu’ils puissent rapidement avoir accès à nouveau à ces éléments de culture.
Alors là encore, il n’y a pas que des grands musées dans les grandes villes. Il y a des petits musées, il y a des petites salles. Il y a des petits festivals.
Il y a toutes sortes d’événements qui mériteraient que, dans les départements, les préfets, avec les élus, puissent décider de leur réouverture. Au demeurant, la délégation des collectivités territoriales avec Jean-Marie Bockel, qui la préside, a fait des propositions pour aller vers une territorialisation, évidemment, de la décision.
C’est identique s’agissant du tourisme, parce que beaucoup de collectivités sont dépendantes des touristes et ils attendent avec impatience les conditions dans lesquelles ils vont pouvoir recommencer à travailler.
Évidemment, vous l’avez souligné, Monsieur le Premier ministre, demain ne sera plus comme avant.
C’est évident, il va y avoir des difficultés sociales très fortes à la rentrée.
Le chômage partiel ne pourra pas continuer, le ministre de L’Économie l’a déjà annoncé et à l’évidence, et malheureusement, le nombre des chômeurs va continuer d’augmenter.
C’est la raison pour laquelle la politique qui sera menée, la politique sociale, devra être prééminente.
La politique sociale devra tenir compte de ce qui s’est passé, car les Français n’accepteront plus, dans leur grande majorité, qu’on donne beaucoup d’argent aux grandes entreprises sans qu’ils puissent bénéficier d’un retour.
Je terminerai enfin, s’agissant de la gouvernance mondiale.
Puisque vous l’avez évoqué au début de votre propos, cette pandémie est mondiale.
Cette pandémie est mondiale et on a vu la faillite des grandes institutions de l’après-guerre : l’ONU, l’Europe, le G7, le G20.
Nous n’avons pas été en mesure d’apporter des réponses collectives. À l’évidence, il va falloir repenser rapidement la participation aux instances mondiales.
Je terminerai Monsieur le Premier Ministre en vous remerciant, et en vous disant que mon groupe se partagera sur le vote puisqu’une partie de mes collègues voteront favorablement alors que l’autre s’abstiendra.
Je vous remercie.
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