Interview de Jean-Christophe Lagarde dans La Provence.

Pourquoi reprochez-vous à Emmanuel Macron de s’exprimer avant son Premier ministre ?
Depuis 6 mois Emmanuel Macron d’abord comme candidat, puis comme président de la République a expliqué sa feuille de route aux Français. Il a été élu et il a la légitimité pour la mettre en œuvre. Je n’imagine pas qu’il vienne maintenant dire des choses différentes. S’il veut mener une opération de communication, il serait plus simple pour lui d’écrire aux parlementaires ou de faire une émission de télévision. De plus, réunir les parlementaires à la veille du discours de politique générale du gouvernement, c’est squeezer le gouvernement et rabaisser le Premier ministre. Alors qu’il a remarquablement réussi son entrée en fonction, en s’exprimant avant son Premier ministre, Emmanuel Macron commet sa première erreur politique.
Ne met-il pas fin à une hypocrisie. De tout temps c’est le Président qui fixe les orientations politiques ?
Evidemment il fixe les orientations politiques puisqu’il nomme le Premier ministre. Mais jamais aucun président de la République n’a réuni le Congrès pour débuter un mandat. Le débat qui a eu lieu pendant la présidentielle lui a permis de faire connaître aux Français son programme, ses orientations. Je ne vois pas l’utilité de mobiliser le parlement qui, sans doute pourrait se mettre au travail et à mieux à faire. Avec le Congrès à Versailles, savez-vous ce qui va se passer ? Emmanuel Macron va parler, puis s’en aller. Ensuite les présidents des groupes politiques vont répondre. Et le lendemain, à l’Assemblée Nationale, le Premier Ministre va prononcer un discours. Je n’imagine pas qu’il dise des choses différentes. Et les présidents des groupes politiques vont, eux aussi, répéter leurs discours de la veille. Tout ça est bien inutile.
Vous criez au piétinement des institutions pourtant Emmanuel Macron ne fait qu’utiliser un droit que lui donne la Constitution depuis 2008.
Je n’ai pas dit qu’il piétine les institutions. Je dis que c’est une erreur que d’affaiblir son gouvernement par ce procédé. J’avais suggéré que, s’il souhaitait faire une réunion du Congrès, il la provoque au lendemain des élections qui vont se dérouler en Allemagne en septembre prochain. A cette occasion, le président de la République aurait pu, à la fois fixer le cap de la reconstruction européenne qu’il souhaite et, expliquer qu’elles allaient être les conséquences pour la France. Ça aurait eu du sens et une utilité.
Votre groupe des « Constructifs » a obtenu un poste à la questure de l’Assemblée Nationale vous ne vous sentez pas respecté par la majorité.
Le principal défi pour d’Emmanuel Macron et sa majorité est de ne pas s’enfermer dans un parti unique qui concentre tous les pouvoirs. Il doit respecter sa parole donnée aux Français le soir de son élection, le 7 mai au Louvre, quand il disait, : « je tiendrai compte des avis de l’opinion de ceux qui ont voté pour moi au second tour, mais qui ne l’avaient pas fait au premier tour ». Nous sommes ceux-là.  Pour ma part, je n’hésiterais jamais à approuver ce avec quoi je suis d’accord.  Mais, il n’y a aucune raison de cacher les désaccords quand il en existe. Je ne créerais pas des désaccords artificiels comme la vie politique française en a montré trop souvent.
Vous voulez dire qu’Emmanuel Macron se comporte en hyper président, omnipotent ?
Je considère surtout qu’il fragilise le gouvernement dans le dispositif institutionnel. Le président de la République fixe un cap sur le temps long, il travaille à l’international. Il n’arbitre pas les affaires secondaires ou moins importantes de la République. En mobilisant l’ensemble des parlementaires au Congrès, avec l’argent que coûte la disponibilité du château de Versailles en pleine période touristique, ça me paraît exagéré.
Quel commentaire vous inspire la photo de Macron ?
Je trouve qu’elle est assez réussie, beaucoup plus que celle de François Hollande. On y voit à la fois le Président de la république, le drapeau de la République française, le drapeau européen, c’est à dire à la fois, l’identité nationale qui ne doit pas disparaître, mais notre perspective européenne qui est une façon de nous protéger contre, à la fois les dangers du monde, mais aussi les intérêts des grandes puissances économiques. Et puis cette fenêtre ouverte sur le parc, c’est une sorte de direction vers l’avenir.
Emmanuel Macron fait souvent référence au Général de Gaulle ça vous dérange ?
Non. Le Général de Gaulle a été la plus grande figure politique française du XXème siècle auquel notre pays doit beaucoup. Qu’un président de la République souhaite rappeler cette référence, ça me paraît plutôt de bon aloi.
La Cour des comptes dénonce les dérives budgétaires du gouvernement Hollande, Emmanuel Macron en était membre, a-t-il une part de responsabilité ?
Non. Emmanuel Macron a quitté le gouvernement au cours de l’été 2016. C’est seulement plus tard, à l’automne, que François Hollande a commencé à distribuer des cadeaux électoraux alors qu’il pensait encore être candidat. La facture s’élève à environ 9 milliards d’euros pour cette année, et à 18 milliards l’an prochain. Emmanuel Macron qui n’y est pour rien doit maintenant gérer ce déficit.
Le gouvernement veut faire des économies. Le climat social lui permettra-t-il de couper dans les prestations sociales ?
Il n’a pas le choix. Il doit respecter les engagements pris avec l’Union Européenne. Faute de quoi l’autorité de la France serait affaiblie. Pour construire un projet européen qui nous protège réellement, à la fois des dangers du monde mais aussi des intérêts économiques des grandes puissances, nous avons besoin d’une France forte. C’est une question de souveraineté. Les décisions que le gouvernement va être forcément amené à prendre seront difficiles, mais indispensables. Si nous ne voulons pas que demain, comme la Grèce, nous soyons soumis aux décisions d’un consortium bancaire ou du Fonds monétaire international.
Allez-vous voter la confiance au gouvernement ?
Je vais écouter le discours du Premier Ministre et ensuite je déciderai. Nous avons bâti le groupe les “Constructifs“ parce que nous partageons tous la même volonté d’en finir avec la politique réflexe. A la politique réflexe nous préférons la politique réflexion. Nous prenons notre décision en fonction de la proposition qui est faite et non pas en fonction de l’identité de celui qui la formule.