INTERVIEW — Hervé Prononce est l’un des cadres de l’UDI, le parti de Jean-Christophe Lagarde. Maire du Cendre, vice-président de la métropole de Clermont-Ferrand, il est aussi céréalier dans le Puy-de-Dôme.

Il dénonce les actions de la Commission Européenne qui, en continuant d’autoriser les importations de soja et d’huile de palme, met en danger la filière européenne de protéine végétale.

Est-ce bien raisonnable d’immobiliser des terres agricoles pour produire du biocarburant alors que nous aurons bientôt 9 milliards de bouche à nourrir ?

Hervé Prononce : Je suis céréalier, mon rôle c’est de produire du blé ou autre pour nourrir les gens. Mais je produis également un peu de colza dans une logique de diversification des cultures mais aussi de complément de revenu.

En quoi le colza peut-il être considéré comme “vert” ?

H.P : Ce colza s’insère dans une logique d’économie circulaire​ : les graines de la plante sont pressées pour donner de l’huile et du tourteau de colza.

L’huile peut servir pour la consommation humaine et les biocarburants. Le tourteau servira lui à nourrir les bœufs ou les vaches laitières.

Grâce à ce “carburant vert”, les véhicules peuvent réduire leurs émissions de CO2 et les agriculteurs obtenir un revenu qui est, et j’insiste dessus, complémentaire.

Dans ce cas, vous comprenez la décision de la Commission européenne qui a récemment reconnu le soja comme composant durable pour les biocarburants et qui n’a pas totalement interdit l’importation de l’huile de palme ?

H.P: Non car la logique est totalement différente pour le soja et l’huile de palme !

Les Américains produisent une énorme quantité de soja, pour nourrir leurs bêtes et pour valoriser l’huile en biocarburant. Et 94 % du soja planté aux États-Unis est génétiquement modifié pour résister aux désherbants. Est-ce vraiment acceptable d’importer ces produits qui ne respectent aucunes des normes que l’on impose à nos agriculteurs?

C’est encore pire pour l’huile de palme : le seul intérêt pour les indonésiens est d’exploiter des palmiers pour en revendre l’huile aux groupes pétroliers. Et je ne parle même pas de toutes les forêts qui sont détruites pour ces cultures.

“Un biocarburant au colza polluera bien moins qu’un carburant fossile”

Mais les biocarburants permettent de diminuer nos émissions de CO2…

H.P: Pas du tout ! Le soja c’est deux fois plus d’émissions de CO2 qu’un carburant fossile, et c’est trois fois plus pour l’huile de palme !

Quand on pense à toute la déforestation que causent ces cultures, à tous ces puits de carbone qui sont à jamais perdu, comment peut-on encore importer leurs productions…

A l’inverse, un biocarburant au colza polluera bien moins qu’un carburant fossile même s’il ne peut constituer à lui seul une réponse aux problèmes des émissions de CO2.

Pourquoi la Commission Européenne a autorisé massivement ces importations de soja américain ?

H.P: Les américains en produisent énormément et la plus grosse partie de leur production allait jusqu’ici en Chine, très demandeuse de protéine végétale. Sauf qu’avec la guerre commerciale que se livrent les deux pays, la Chine a décidé d’arrêter ses importations de soja américain.

Et bien sûr, ne sachant que faire de tout ce surplus de production de soja, les américains se sont retournés vers l’Europe pour que l’on leur achète.Évidemment, en bon copain, nous avons tout de suite accepté, amenant les importations à presque tripler en 1 an, et ce n’est que le début.

Cette décision se fait malheureusement au détriment de l’environnement mais aussi des agriculteurs européens.

Elle a été plus ferme sur l’huile de palme …

H.P: Ce n’est que de l’affichage ! L’huile de palme est en partie interdite mais pas totalement, les petites exploitations pourront continuer à exporter leur production.

Je ne vois pas ce qui empêchera les producteurs indonésiens de simplement se diviser en petites structures pour mieux continuer à nous envoyer leur huile de palme.

Comment voulez vous que nos agriculteurs français et européen rivalisent avec des productions de soja très souvent OGM ou des palmiers à huile cultivés dans des régions du monde ou le coût de la mains d’œuvre est dérisoire?

Si l’Europe veut s’affirmer comme leader en matière de transition écologique, qu’elle commence par stopper les importations de produits polluants venant des quatre coins du monde.

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