Exécution des courtes peines, le débat
Pour – Lutter contre la récidive, favoriser la réinsertion : changeons de doctrine en rendant effective l’exécution des courtes peines.
Eric Schahl, délégué général de l’UDI, fondateur de l’agence régionale du travail d’intérêt général, Ile-de-France JusTIGe
80.792 détenus en France. Comme chaque mois, un nouveau record est battu. D’un côté, la surpopulation carcérale rend toujours plus complexe la mission de réinsertion des personnes condamnées. De l’autre, ces conditions de détention sont continuellement plus indignes.
Gérald Darmanin a eu parfaitement raison de proposer la création de places de prison adaptées à l’exécution de courtes peines. Si des peines plus courtes sont exécutées, la rotation sera plus importante et le taux d’occupation baissera mécaniquement. Autre avantage, personne ne s’évade s’il n’a qu’une courte peine à exécuter. Ces nouveaux établissements seront donc beaucoup moins chers et plus rapides à construire.
Avec mes collègues du groupe UDI, nous avons d’ailleurs fait voter un vœu en ce sens pour que la région Île-de-France s’engage financièrement, par convention avec le ministère de la Justice, pour aider à la création et à l’extension de centres de détention adaptés.
Mais la proposition de Gérald Darmanin ne sera un succès que si, parallèlement, le Code pénal est modifié pour autoriser l’exécution de courtes peines inférieures à six mois. En effet, tout notre système pénal et carcéral s’est construit selon le modèle opposé : « réserver la détention aux plus longues peines », selon le principe que la privation de liberté ne devrait être, en toutes circonstances, que l’ultime recours. En France, il n’est pas possible de prononcer des peines de prison inférieures à un mois ; et celles inférieures à six mois sont aménagées. Ainsi, comme il n’y a pas assez de places de prison, seules les peines les plus longues sont exécutées ; alors qu’il est souvent déjà trop tard et qu’il aurait mieux valu une peine plus courte, mais prononcée plus tôt. Cela procure un sentiment puissant d’impunité qui ne rend service ni à la société ni aux délinquants.
En France, l’assertion selon laquelle les très courtes peines seraient criminogènes est puissamment partagée par le monde judiciaire, alors qu’elle n’est fondée sur aucune littérature appuyée sur une expérimentation. Elle est pourtant à rebours de la politique mise en œuvre en Europe du Nord : aux Pays-Bas – où les très courtes peines sont la norme – la criminalité baisse, la récidive plus encore et les prisons se vident. La durée moyenne de détention y est de 4 mois (2 en Suisse, 5 en Suède et en Allemagne), contre 11 en France ! La seule étude scientifique au monde a d’ailleurs été menée par des chercheurs en Suisse. Elle a été probante, à la fois, en matière de non-réitération et de réinsertion.
En effet, les très courtes peines cumulent les avantages. Tout d’abord, elles permettraient de ne pas laisser entrer les délinquants dans une spirale d’impunité et de récidive. En outre, elles éviteraient le caractère contreproductif des trop longues peines qui finissent par désocialiser les détenus plus qu’elles ne les réinsèrent.
Contre – Le durcissement de l’exécution des courtes peines, est-il la solution ?
Pour être plus explicite, aujourd’hui de courtes peines sont bien prononcées (inférieures ou égales à un an) et exécutées en détention ordinaire ou en structure d’accompagnement à la sortie (SAS) ou bien encore aménagées (semi-liberté, détention à domicile sous surveillance électronique…). La volonté du nouveau ministre se caractérise par une exécution plus rapide de ces courtes peines et il envisage l’ouverture de structures ou d’établissements dédiés et adaptés à ce type de peines (petites structures et utilisation de bâtiments désaffectés existants).
Dans un récent article de journal, l’avocat Jean-Yves Balestas note que l’idée de Gérald Darmanin de créer des établissements pour de courtes peines « va prendre beaucoup de temps. Il faut au moins trois ans pour construire de tels établissements ». L’autre solution qu’il préconise est « le placement extérieur. Il s’agit de confier les personnes condamnées à de courtes peines d’emprisonnement à des structures associatives citoyennes, sous le contrôle strict du juge de l’application des peines ».
Sur un plan technique, il semble nécessaire de préciser les contours d’une courte peine. On reste actuellement dans une approche floue. Quel quantum ? Et doit-on inclure les ultracourtes peines (de quelques jours) et surtout quelle efficacité en comparaison avec un suivi en milieu ouvert plus long de quelques mois ?
Sur un plan économique, la réforme visant à multiplier les établissements à petit effectif n’a jamais abouti. Les héritiers que sont les établissements ou structures adaptés aux courtes peines auront le même écueil : « un coût financier élevé » (le coût de la journée d’hébergement en détention, des ressources humaines engagées …), pour un budget contraint.
En résumé, si la dynamique affichée de plus de fermeté répond à une conjoncture violente sur fond de narcobanditisme, de surpopulation carcérale, de radicalisation et de chaine pénale engorgée, la réponse par une gestion prégnante des courtes peines, ne peut représenter qu’une partie des pistes envisageables. Le renforcement de la régulation carcérale et le développement de l’action des services pénitentiaires d’insertion et de probation en milieu ouvert et au sein des établissements pénitentiaires constituent également une partie des pistes d’amélioration à prendre en considération.