Financement de l’effort de défense : après le cataclysme Donald Trump, nos problèmes financiers n’ont pas disparu et doivent être traités
Vincent Capo-Canellas, Sénateur UDI de la Seine-Saint-Denis et membre la Commission des finances du Sénat
Le changement brutal de posture stratégique de notre allié américain vis-à-vis de l’Ukraine, de la Russie et, au fond, de l’Union européenne repose la question d’une défense européenne autonome (perspective de long terme) et singulièrement pour la France, celle du financement à très court terme de son effort de défense (évalué à ce stade autour de 50 milliards € de plus).
La France ne part pas sans atouts avec sa dissuasion nucléaire autonome, une armée d’excellence capable de se projeter, un savoir-faire reconnu et une industrie de défense solide. Mais nous avons un problème d’échelle (plus de matériels, de militaires, d’armes, de munitions et de moyens de renseignement) et … de financement.
Quelles que soient les facilités ouvertes par l’Union européenne (sortir la défense de la règle des 3%, offrir des prêts…), à défaut de financement dédié, et même avec une mobilisation préférentielle de l’épargne des Français grâce à des bonifications, la situation de nos finances publiques nous oblige à des économies pour compenser toute dépense nouvelle. C’était le cas avant le revirement américain, ça l’est plus encore aujourd’hui – où le monde est instable- car ce qui compte est le niveau de la dette et le montant de sa charge annuelle qui ne cesse de croître. Si la règle des 3% est aménagée, nous serons certes en meilleure posture vis-à-vis des règles européennes, pas vis-à-vis des marchés. D’autant que l’Allemagne a annoncé qu’elle allait investir massivement et émettre de la « bonne dette » triple A, qui concurrencera nos propres émissions. Nous ne cessons d’être dégradés par les agences de notation, nos taux d’intérêt commencent à décoller.
Si nous n’y prenons garde, notre charge de la dette sera à très court terme hors de contrôle.
Aussi, la petite musique qui consiste à dire que nous allons pouvoir appliquer à nouveau le « quoi qu’il en coûte » est trompeuse et dangereuse. Bien sûr nous devons renforcer nos moyens militaires. Mais cela ne pourra pas se faire en continuant à différer les réformes qui permettront à la France de retrouver la maîtrise de ses finances. Faute de quoi nous serons asphyxiés par la charge de la dette. Et privés de moyens d’agir.
Et ce alors que le contexte géopolitique est très instable : les annonces de Donald Trump s’agissant des droits de douane créent une incertitude et un désordre peu propice à la croissance, mais plutôt à l’inflation et à la stagnation.
Si le gouvernement s’enferme dans la promesse de ne pas augmenter les impôts (ce à quoi nous pouvons souscrire) et de ne pas revoir le modèle social (alors que les dépenses de santé s’envolent), il ne nous restera plus qu’à baisser encore les dépenses de l’État (lequel affaiblit ses moyens d’action) ou à parier sur une croissance à la hausse (que nous ne voyons pas venir) et une augmentation du taux d’activité (pari perdu en 2023 et 2024 d’où le dérapage supplémentaire de nos comptes). Après le cataclysme Trump, les vrais problèmes n’ont pas disparu. Au contraire.