Interview de Benoît ROLLAND – Sécrétaire National en charge de l’Agriculture
Benoît Rolland : Il y a, bien évidemment, un lien. Toutes les études sérieuses font la démonstration du lien entre énergies fossiles, problèmes de santé et réchauffement climatique. D’ailleurs, dans leur immense majorité, les Français ont conscience de la nécessité de faire évoluer nos modes de consommation face à l’enjeu environnemental qui se dresse face à nous.
Est-ce pour autant une mesure fiscalement juste ?
B.R. : C’est bien là, la difficulté. La forte hausse actuelle du prix des carburants est vécue comme une injustice pour bon nombre de nos concitoyens. Car les Français ne sont pas égaux devant cette taxation. Il est indéniable que les plus touchés sont les habitants des territoires peu ou mal desservis en transports en communs comme dans les communes rurales ou certaines banlieues. Il est tout aussi vrai qu’une grande part de l’activité économique ne peut se passer de l’utilisation de véhicules légers comme les artisans par exemple. Les arguments de culpabilisation des automobilistes relèvent donc de la condescendance. Il est inadmissible d’entendre, de la part de certains responsables politiques, que les habitants territoires ruraux pourraient supporter cette hausse au prétexte qu’ils paieraient, par ailleurs, moins d’autres taxes. C’est d’ailleurs une contrevérité car en mettant tout sur la table, je doute que le ratio « impôts-taxes / accès aux services publics » soit en faveur de la ruralité !
Cette hausse du prix à la pompe a-t-elle pour seul raison la défense de l’environnement ?
B.R. : Cette question participe à ce sentiment d’injustice. En effet, si la hausse actuelle est en grande partie due à l’évolution des cours, cela n’explique pas tout, car nous ne sommes pas au niveau de 2013 où le baril était à 115$, contre 80$ environ aujourd’hui. Si l’évolution des taxes est assumée par le gouvernement, elle n’en reste pas moins étonnante. D’ailleurs, on ne peut que s’étonner du mauvais signal de la hausse de l’essence – certes plus modérée – au moment où l’exécutif cherche à réorienter le diesel vers l’essence. Au-delà de la justice entre contribuables, les Français ne pourront pas considérer cette hausse comme légitime si elle n’est pas intégralement affectée à la cause qu’elle prétend défendre. Est-ce que cet argent servira aux caisses de l’Etat ou à la cause environnementale ? Servira-t-il à reprendre d’une main ce que l’autre rendrait (avec la taxe d’habitation) ? La destination de toute nouvelle taxe doit être garantie. C’est une nécessité morale et républicaine. Nous attendons donc de la transparence de la part du gouvernement.