« Sécurité sociale, TVA … Ils fraudent et vous payez ! ». C’est le thème de la conférence organisée par Nathalie Goulet, sénatrice UDI de l’Orne, secrétaire de la commission des finances et très engagée contre la fraude documentaire dans le versement des prestations sociales en France. Retour en quelques questions sur cette conférence pour mieux comprendre l’ampleur du scandale.

La fraude sociale est-elle aussi grave qu’on le dit ?

Nathalie Goulet : Si les progrès dans la lutte contre la fraude fiscale sont indéniables, les progrès contre la fraude sociale se font attendre.

La fraude sociale, c’est de l’argent que l’Etat sort tous les mois, un chèque que nos caisses d’assurance maladie, nos caisses d’assurance retraite ou nos départements versent à des bénéficiaires qui trichent.

«La fraude se fait sur la base de faux documents: des faux passeports, des fausses cartes d’identité, des faux actes de naissances. »

Le sujet qui me préoccupe concerne les numéros de sécurité sociale attribués à des Français nés à l’étranger ou à des étrangers se rendant en France qui l’obtiennent après avoir eu un numéro d’inscription au registre, un NIR.

L’ampleur de la fraude a provoqué une réunion de cabinet en décembre 2011, qui a relevé que 10,4% des numéros de sécurité sociale avait été attribués sur la base de la fraude documentaire, soit 1.800.000 faux numéros qui sont une clé d’entrée de nos systèmes de santé. Je précise que ce numéro est attribué à des gens qui sont en situation régulière.

Comment peut-on réussir à obtenir un numéro de sécurité sociale en fraudant ?

N.G : La fraude se fait sur la base de faux documents: des faux passeports, des fausses cartes d’identité, des faux actes de naissances. 126 850 personnes ont été signalées par la police technique et scientifique pour l’utilisation d’au moins deux états civils différents !

Très souvent ce sont des papiers d’identité étrangers qui sont utilisés pour frauder. Certains pays n’ont pas les moyens d’authentifier leurs propres documents administratifs.

Charles Prats donnait l’exemple d’un homme de nationalité algérienne qui avec de faux documents irakiens s’est procuré un numéro de sécurité sociale français. ll a ensuite pu obtenir l’allocation adulte handicapé et des allocations logements. Il a détourné à lui seul 32.000 euros en 2 ans et demi.

Quelles solutions existent pour y remédier ?

N.G : Il faut sécuriser la clé d’entrée dans nos systèmes sociaux. Beaucoup de services d’état civil dans le monde sont approximatifs, voire corrompus. Ils émettent donc des actes d’état civil « douteux » et les justificatifs que l’on peut leur demander sur ces actes ne sont pas plus crédibles.

Établir une norme pour les actes de naissance d’un certain nombre de pays partenaires de la France pourrait constituer un très beau sujet de coopération pour le Conseil National des Normes, présidé par le Ministre Alain Lambert.

La coopération pourrait d’ailleurs être européenne, grâce à un Fonds pour la sécurité abondé à hauteur de 79 milliards d’euros par les pays européens. Ce travail sur l’uniformisation des actes d’état civil serait utile, certes pour nos finances publiques, mais aussi dans cette période de trouble et de terrorisme, pour notre sécurité.

Comment expliquer que l’Etat ne fasse rien ?

N.G: En 2016, j’ai demandé au Sénat à la Ministre de la santé où en était l’expertise sur la fraude documentaire. Elle m’a alors répondu que 500 dossiers avaient été radiés. Entre 1,8 millions et 500 il faut avouer que le compte n’y est pas !

«Nous avons donc demandé une commission d’enquête qui n’a pas été acceptée.»

En décembre 2018, le Sénat a adopté un dispositif simple qui demandait un rapport sur la fraude documentaire à l’INSEE, mais l’Assemblée Nationale a fait sauter cet amendement.

Mais le Ministère affirme que tous les dossiers ont été contrôlés …

N.G: C’est un mensongeJ’ai pris l’initiative d’un petit calcul digne d’une classe de CM2 : vous avez 17,6 millions d’inscription au Numéro d’Inscription au Répertoire de la sécurité sociale par des étrangers ou par des français nés à l’étranger.

L’administration peut vérifier 2103 dossiers par semaines. Il vous faut donc 8360 semaines pour contrôler le stock c’est-à-dire 160 ans !

C’est impossible, contrairement à ce que dit madame la ministre, que l’intégralité du stock de faux numéros ait été contrôlé !

Vous dîtes qu’il faut traiter la fraude sociale de manière “urgente”. Est-ce que traiter la fraude fiscale n’est pas plus urgent ?

N.G : La lutte contre la fraude fiscale est une priorité. La lutte contre la fraude sociale l’est aussi, ce n’est pas une fraude de « pauvres », mais une fraude de réseaux organisés qui pillent nos systèmes de santé.

«La frilosité du Gouvernement n’a aucun sens.»

En effet le problème est bien antérieur à l’arrivée du Président Macron. Cette question des numéros attribués à des étrangers pose un problème diplomatique et aussi un problème de « bienpensitude », néanmoins il faut le régler et cesser de mettre la poussière sous le tapis.

Le Ministre Darmanin vient d’annoncer qu’il allait demander une enquête sur ce sujet. Le Rapporteur général du budget de la sécurité sociale au Sénat a aussi engagé sa propre démarche d’investigation, malheureusement sans y associer d’autres collègues. Il mène quelques auditions, nous verrons bien ses conclusions annoncées au mois de mai.

Dans l’intervalle, je dois vous faire part de ma suspicion sur des mesures d’enquêtes individuelles non partagées et j’espère être associée à l’enquête diligentée par le Ministre Darmanin.

J’ajoute que deux éminents spécialistes, qui ont bien connu le dossier dès 2011, sont actuellement au cabinet du Premier Ministre, je ne peux pas imaginer qu’ils fassent obstruction à des mesures d’enquête, je pense qu’ils auront à cœur, au contraire, de nous aider à mettre un terme à cette gabegie.

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