La France, l’Union européenne et notre compétitivité agricole
Philippe Rouault, Adjoint au maire de Pacé (Ille-et-Vilaine), Ancien délégué interministériel aux industries agroalimentaires et à l’agro-industrie, et Délégué départemental de la fédération d’Ille-et-Vilaine
Les annonces brutales des taxes douanières américaines risquent d’entraîner des conséquences très déstabilisatrices pour l’agriculture et l’alimentation en France et l’Europe.
Les exportations agricoles et alimentaires françaises vers les États-Unis représentent plus de 5 milliards d’euros avec les boissons (vins et spiritueux) pour presque 4 milliards, les produits d’épicerie et de boulangerie à hauteur de 700 millions et enfin les produits laitiers pour 350 millions. Les filières concernées vont être fortement impactées et risquent de perdre des emplois.
Malheureusement, les conséquences des possibles hausses des taxes douanières américaines dépassent très largement le cadre des échanges commerciaux franco-américains. L’augmentation des taxes douanières chinoises en représailles aux taxes américaines va entrainer en effet domino un arrêt des importations chinoises de soja américain. La Chine qui est le premier importateur de protéines végétales pour subvenir aux immenses besoins de sa population va augmenter considérablement les importations de soja d’Amérique du Sud, ce qui va renchérir considérablement leur prix pour l’Union européenne. La France et l’Union européenne vont être confrontées à une forte hausse du prix de ces protéines qui permettent de nourrir une part non négligeable du cheptel européen.
Les conséquences sur l’augmentation des coûts de production des viandes et du lait vont entrainer une inflation des prix alimentaires dans un contexte de diminution des échanges commerciaux globaux et de récession.
Par ailleurs, la baisse du prix des énergies fossiles en lien avec le ralentissement économique à venir entraînera des répercussions sur les cours des cultures telles que le colza, le maïs et autres cultures à destination énergétique.
Le vaste mouvement de déstabilisation des prix agricoles va entrainer beaucoup d’incertitude avec un attentisme dans les investissements à engager et un fort risque de récession économique. Malgré ses imperfections, l’harmonisation au niveau mondial des règles tarifaires et non tarifaires dans le cadre de l’Organisation mondiale du Commerce était une avancée, nous nous en éloignons chaque jour.