INTERVIEW – Le président de l’UDI, député de Seine-Saint-Denis, «partage la déception des Français» vis-à-vis des premiers pas d’Emmanuel Macron. Mais il affirme ne pas être dans «la condamnation».

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LE FIGARO. – Quel bilan tirez-vous des premiers pas de l’exécutif?
Jean-Christophe LAGARDE. – Comme nombre de Français, je suis déçu par les cafouillages au Parlement et des premières décisions que je ne partage pas. Je pense à l’étranglement des collectivités locales en leur supprimant 13 milliards d’euros de dotations, à la réduction du nombre d’élus dans les petites communes alors qu’ils ne coûtent rien. Je pense aussi aux 850 millions d’euros supprimés pour les armées alors que les menaces augmentent. Ou encore au choix de faire des économies sur les aides au logement – en l’absence des réformes structurelles indispensables – qui frappent les Français les moins favorisés.
C’est donc la déception qui domine?
Oui, car l’exécutif doit en finir avec les annonces désordonnées et lancer enfin de vraies réformes pour donner du sens. Il est triste que le Parlement ait été mobilisé tout l’été par cette loi ridicule sur «la confiance en la vie publique». En vérité, les parlementaires sont les élus les plus encadrés bien qu’ils soient les moins susceptibles de malversations. Et cette réforme ne vise qu’eux, en passant sous silence les élus locaux ou la haute fonction publique. Rien n’est fait contre la pratique de représentants de l’administration d’État qui prennent des décisions lourdes au profit d’entreprises avant d’aller y pantoufler pour gagner mieux leur vie. Rien non plus sur le financement des syndicats. Tout cela est absurde.
Quel rôle doivent jouer les Constructifs?
Si je partage la déception des Français, je ne suis pas aujourd’hui dans la condamnation. Le début de ce quinquennat interroge. À nous de faire des propositions pour que l’exécutif retrouve la bonne direction. D’abord en incitant le président à exercer un pouvoir moins personnel. La France ne se réforme pas quand on l’enchaîne, elle se réforme quand on l’entraîne. Il y a des possibilités d’entraîner le pays vers de bonnes réformes quand on explique, qu’on donne du sens. Même sur celle du Code du travail par exemple. Encore faut-il que le gouvernement associe le Parlement à ce travail. Ce n’est le cas pour l’instant qu’a minima.
Chez les Constructifs, Républicains et UDI avancent-ils d’un même pas ?
Nous avons les mêmes interrogations et je ne doute pas que nous en tirions les mêmes conclusions. La sincérité veut que quand on a un doute sur une réforme, on le dit. Nous partageons un même corpus de valeurs, pour une économie libérale, un effort éducatif national, une exigence de justice sociale et un impératif de fédération européenne. Encore faut-il que l’exécutif soit disposé à nous entendre. Pour l’instant, on sent chez Édouard Philippe une vraie volonté de travailler avec nous. Disons les choses honnêtement, ça semble beaucoup moins le cas d’Emmanuel Macron.
Ces valeurs partagées avec les Républicains constructifs vont-elles vous conduire à créer une formation politique commune?
Je le souhaite. Le centre représenté par l’UDI a vocation à s’élargir à des progressistes venus de la droite, mais aussi de l’ex-gauche – je pense aux radicaux de gauche, aux écologistes indépendants – avec qui les différences sont minimes. Il y a aujourd’hui la place pour une famille politique qui réunirait ceux qui se sont libérés de l’emprise du Parti socialiste et ceux qui refusent la ligne nationaliste et ultra-droitière de Laurent Wauquiez. Avec lui, les Républicains n’ont qu’une seule idée en tête: se porter toujours plus à droite. Les électeurs n’ont pas voulu les suivre. À nous de créer une force politique qui réponde à leurs attentes. Nous prendrons des initiatives en ce sens à la rentrée.