Mayotte face à la crise de l’eau : l’urgence d’agir
Estelle Youssouffa, Députée de Mayotte
Mayotte traverse actuellement une crise de l’eau sans précédent, exacerbée par une sécheresse que le changement climatique pourrait répéter régulièrement. Impossible de vivre normalement sans eau : rationnement, fermeture forcée des écoles, et détérioration inquiétante des conditions sanitaires. Alors que le seul hôpital de Mayotte est en plan blanc, le risque d’une épidémie de typhoïde ou de choléra dans les bidonvilles est un péril crédible.
Malgré une mobilisation réelle mais tardive, la réponse de l’État demeure largement insuffisante : la distribution de bouteilles limitée à une fraction de la population et l’effacement des factures de septembre à décembre ne répondent pas au surcoût de la dépense incontournable d’eau minérale (prix du pack d’eau vendu entre 5 et 12 euros) qui pèse lourd sur le budget des ménages mahorais.
Le problème ne se limite pas seulement à la sécheresse exceptionnelle. La crise actuelle révèle une multitude de dysfonctionnements et un déficit criant d’investissement dans les infrastructures de production d’eau potable et d’assainissement. En temps normal, la production d’eau s’élève à 38 000 m3 tandis que le besoin journalier du département est de 44 000 m3. Aujourd’hui, la production s’élève à 15 000 m3. Si le gouvernement a annoncé différents « plans eau » depuis 20 ans, les réalisations sont maigres. La responsabilité de cette paralysie est partagée : entreprises délégataires défaillantes, des fonds européens sous exploités et un syndicat des eaux mis en cause par le Parquet national financier.
L’accès à l’eau, droit fondamental, commande une action résolue de l’État. Des solutions adaptées au changement climatique comme l’équipement de chaque foyer avec des citernes individuelles pour capter l’eau de pluie serait une mesure immédiate qui diminuerait la consommation en eau. La construction des infrastructures doit lucidement prendre en compte la population réelle sur l’île : c’est-à-dire 450 000 habitants selon les estimations basées sur les naissances et les besoins alimentaires.
Cette crise de l’eau a un effet délétère : épuisés par des conditions de vie inacceptables, fonctionnaires et Mahorais quittent l’île, hypothéquant l’avenir du territoire. De plus, cette crise nourrit un sentiment d’abandon, un refus de l’impôt et une défiance croissante envers les institutions publiques visiblement inopérantes.
La crise à Mayotte est le reflet d’un abandon institutionnel. Le territoire revendique une authentique continuité territoriale et des investissements pérennes pour garantir sa place au sein de la République.