Nathalie Goulet: «En matière de lutte contre le terrorisme, il reste des failles évidentes»
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Nathalie Goulet est sénatrice UDI de l’Orne. Elle a présidé au Sénat une Commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe.
Alors que le Président de la République devrait annoncer des mesures contre le communautarisme et l’islam radical, quelques constats s’imposent.
Je ne veux en aucun cas être alarmiste et je refuse de me ranger derrière une vision exagérée selon laquelle les Frères musulmans seraient aux portes du pouvoir. Mais ceux qui suivent mes travaux sur ce sujet savent à quel point j’ai à cœur de rester fidèle aux lois et aux principes fondateurs de la République. Il est impératif que les religions s’adaptent à la République et non l’inverse. Les événements récents sonnent donnent une étrange sensation de «déjà-vu». Cette incessante répétition de l’histoire ne peut que provoquer une (légitime) vague d’indignation, de fatigue, de colère et incompréhension auprès des citoyens.
Un terroriste avec un visa étudiant ? Ce scénario rappelle la tragédie de l’assassinat de la jeune Aurélie Châtelain.
Le 29 janvier à Marseille a été arrêté Majdi Mustapha Nameh, alias Islam Alloush, présumé coupable de graves crimes commis au nom de Jaysh Al-Islam, «Armée de l’Islam», un groupe islamiste syrien notoire. Ce terroriste soupçonné est entré sur notre territoire avec un visa ERASMUS+. Cet incident n’est malheureusement pas inédit, au point même que les spécialistes ont affirmé lors de différentes auditions par des commissions d’enquête depuis 2015 laisser sciemment ce type d’individus entrer sur le territoire pour mieux maîtriser leur arrestation. Permettez-moi d’en douter…
Un terroriste rentré avec un visa étudiant? Ce scénario rappelle la tragédie de l’assassinat de la jeune Aurélie Châtelain le 19 avril 2015 dont l’auteur présumé est Sid Ahmed Ghlam, un pseudo-étudiant algérien de 24 ans (le procès devant la Cour d’Assises de Paris s’ouvrira le 5 octobre). Ce dernier n’avait jamais suivi les cours auxquels il était supposé assister, et planifiait un attentat dans une église de Villejuif, projet qui fut heureusement déjoué.
Nous sommes alors en droit de nous interroger, aujourd’hui comme hier, sur les conditions de délivrance de ces visas étudiants. Ce terroriste recherché par toutes les polices a bénéficié d’un visa Erasmus, comme tout bon étudiant européen: c’est à peine croyable et pourtant c’est une réalité. Le manque de coordination entre les services consulaires, l’absence de listes d’individus indésirables, de partage des fichiers des personnes recherchées est inacceptable, alors que cinq années nous séparent du drame de Charlie et de l’Hyper Cacher. Nous devons reposer ces questions, encore et encore.
On a vu un manque de rigueur similaire lorsque les autorités ont laissé se dérouler au mois de mai 2019 une série de douze conférences et collectes de fonds pour une école d’Ouléma en Mauritanie, alors que parmi les intervenants figurait Mahfoudh Ould Brahim Vall, connu des services français et mauritaniens pour son appartenance aux Frères musulmans comme Hassan Iquioussen. Je me suis alors interrogé sur l’autorité qui a délivré un visa à cet individu, il ne s’agissait pas de notre consulat en Mauritanie. Il devrait alors s’agir d’une autorité consulaire d’un de nos partenaires européens, sans consultation. Nous ne pouvons pas tolérer un tel manque de rigueur dans un contexte aussi tendu de risque d’attentats sur notre territoire.
Le 28 septembre 2019, à la mairie de Rouen s’est déroulé un séminaire tenu par Othmane Iquioussen, bien connu des services pour son adhésion lui aussi aux thèses des Frères musulmans. En septembre, une réunion du centre arabe de recherche et d’études politiques de Paris (Carep), «think tank» connu pour ses liens avec le Qatar offrait à son directeur exécutif une tribune appelant les Français de confession musulmane à constituer des listes communautaires indiquant que: «tous ceux qui ne sont pas d’accord avec ce processus (…) doivent savoir qu’ils ont 6 millions de voix à portée de mains», recommandant «de taper aux urnes». Alors que le Président de la République prétend vouloir lutter contre le communautarisme, les autorités autorisent ce type de manifestation et de propos. Il faut avouer que la logique paraît bien lointaine dans cette situation.
Cette liste est nécessaire pour montrer l’accumulation de failles dans nos systèmes malgré les mises en garde régulières des experts et des parlementaires.
Le 24 janvier 2020, à Bordeaux , la Librairie Mollat (ça ne s’invente pas) accueillait un colloque intitulé «Foi musulmane et Valeurs de la République». Le maire de Bordeaux, Nicolas Florian, candidat à sa propre succession, a lancé ce colloque, organisé par la Fédération musulmane de la Gironde, branche locale de l’ex-UOIF (les Frères musulmans en France). Outre les responsables locaux des Frères musulmans, cette assemblée accueillait une personnalité radicale, le «Cheikh Al-Arabi Al-Bichri», le directeur des études du sulfureux Institut IESH de Château Chinon, et membre du Conseil Européen pour la Fatwa et la Recherche, antenne du réseau frériste.
Cette liste, indigeste, est nécessaire pour montrer l’accumulation de failles dans nos systèmes malgré les mises en garde régulières des experts et des parlementaires qui multiplient les rapports et les propositions, rarement pris en considération.
Comment expliquer que les maires, qui réclament toujours d’être plus associés à la lutte contre la radicalisation, et qui demandent à avoir la communication des fichés S résidant sur le territoire de leur commune, peuvent-ils agir avec une telle légèreté sans solliciter les référents de leur préfecture? Ainsi, ils laissent la porte ouverte à des prêcheurs dont les discours sont loin des valeurs républicaines. La République reconnaît, et garantit, la liberté d’association et de réunion, mais celles-ci doivent se conformer au respect de l’ordre public. On est alors en droit de s’interroger sur le fonctionnement du renseignement territorial. À Rouen, le préfet semblait pourtant ignorer la tenue de ce séminaire.
Pour lutter contre l’influence de cette tendance de l’islam, incompatible avec nos règles républicaines, il faut prendre des mesures plus concrètes.
La mise en place d’une liste européenne des personnalités non grata en Europe permettrait d’uniformiser les informations.
Une communication claire et automatique avec nos postes à l’étranger et ceux de nos collègues européens pour autoriser avec prudence les octrois de visas, avec une attention particulière aux visas étudiants, est impérative.
De plus, il faut tenir à jour les listes de détenteurs de ces documents et s’assurer que la communication entre les services de renseignement intérieur et extérieur se fasse rapidement. La mise en place d’une liste européenne des personnalités non grata en Europe permettrait d’uniformiser les informations. Cette mesure devra évidemment prendre en compte le Brexit, qui pourrait provoquer d’autres failles dans le PNR, les bases de données et Europol.
Au-delà des mesures de renseignement, il est urgent de mieux contrôler les associations, les think-tanks et leurs voies de financement.
Les dispositifs de notre République sont faillibles, nous sommes nombreux à dénoncer ces failles, et à répéter jusqu’au renoncement les mêmes préconisations. Nous devons assurer la sécurité de nos concitoyens, dans un cadre républicain mais avec une fermeté légitime. Les brèches, que nous dénonçons, existent. Elles font de nos compatriotes musulmans les otages d’une poignée de radicaux qui font prévaloir leur loi sur les lois de la République.
Pourtant, nous ne manquons ni de travaux ni de rapports sur le sujet de la gangrène de certains territoires par un islam radical, les travaux parlementaires sur la radicalisation dans les services publics ou bien ceux d’Hugo Micheron, sont édifiants et tirent, à juste titre, une sonnette d’alarme sur ce que j’appelle depuis longtemps le délit de naïveté ou déni de réalité. Le Président doit annoncer un plan au plus vite, qui devra commencer par l’affirmation d’une tolérance zéro face au refus des normes républicaines.
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